Réveil à 7 heures au son des cloches de l’église sur la
place, il fait encore nuit. Petit déjeuner de luxe au son de radio Nostalgie :
“Verseaux, avec la lune en Gémeaux, c’est une journée pleine de créativité,
l’imagination est au pouvoir !” Pour mon premier jour de rentrée scolaire,
Flore vient gentiment me chercher en voiture et m’accompagne toute la matinée.
8h26 : première classe, la 6°C, avec Marie, leur
enseignante de français, dans la salle 117 entièrement redécorée en “salle-plage”.
J’apprends ce que sont les vacations (avant), que les sardines se pêchent la
nuit, qu’il y a des phoques sur les Etocs, la différence entre pêche hauturière
et pêche côtière, et je découvre le rapport très fort que les enfants d’ici
entretiennent avec le monde maritime professionnel, personnel comme de loisirs.
La mer est-elle un monde de patience ?
Le mot de la fin, qui m’est
adressé, à propos de l’écriture : “Moi
je trouve ça courageux, parce que si tout le monde baisse les bras, qui le
fera ?”
10h31 : Après l’intercours rapide dans la salle des
profs, deuxième classe, la 5°C, avec Virginie, leur enseignante de français.
Nous parlons de Colza, qu’ils ont lu. Ici, la mer empêche qu’il y ait de la
neige, c’est énervant. Ils sont nombreux à détester se promener le dimanche
avec leurs parents au bord de la mer qu’ils peuvent voir de leur chambre.
Quelle musique écouter au bord de la mer ? Aucune, on écoute la mer.
J’apprends ce qu’est la bouée tractée et l’élévateur, dans le port, qu’à la
Torche le sable est très fin, et le grand plaisir de “sauter à la digue”, l’été.
Déjeuner à la cantine (spaghetti bolognaise), sur un plateau
représentant la carte du Finistère. Avec les enseignantes, nous discutons du
projet, des premières rencontres, de ma proposition d’“écrivaine publique”
qu’on mettra en place dès demain au CDI, et d’autres endroits, comme le cap
Finis Terra en Espagne…
13h30 : je bois un café au bar de La Marine. Au
Comptoir de la mer, je trouve une carte postale du phare de la Vieille (deux
occultations, plus une toutes les 12 secondes) et un super fascicule sur les signaux maritimes
et leur signification.
17h : je retrouve Robert, du CLC, sur la terrasse
au-dessus de la Criée, pour le retour des chalutiers côtiers. C’est
magnifique : ils surgissent de la brume lumineuse à l’horizon, en armada, entourés
de nuages de mouettes, dans le vacarme des moteurs et les odeurs de gasoil,
pour venir se garer contre le quai à toute vitesse, décharger leur pêche du
jour dans les caisses en plastique empilées sur un, deux ou trois chariots
poussés par des plus âgés, et repartent vers leur mouillage à donf pour laisser
place à un autre chalutier d’une autre couleur avec une autre pile de caisses
pleines de poisson et de langoustines…etc. Une heure fascinante. Sur la table d’orientation,
en bout de terrasse : Bilbao tout droit au Nord, Terre-Neuve à l’est. Puis
on descend visiter la Criée : mareyeurs en bottes et blouses blanches, acheteurs
dans la petite salle fermée, sous le tableau de chiffres rouges qui défilent.
18h et quelques : Robert me fait rencontrer son ami
Dominique, patron du Gwenvidik. On descend sur le pont, oups, par une échelle
puis le pied sur un bout, équilibristes, on parle un peu puis Dominique nous
suit au café pour 5 minutes qui dureront plus d’une heure de discussion
passionnante autour de la pêche d’aujourd’hui et de demain, dont je découvre le
monde de tensions et d’enjeux cruciaux. Un patron-pêcheur, c’est un chef
d’entreprise, pas un artisan, et son métier couvre énormément de domaines les
plus variés. Un bon pêcheur, c’est celui qui réfléchit en regardant vers l’avant,
qui innove intelligemmen, comme dans tous les domaines, finalement. La nuit est
tombée sur le port, chacun remonte dans sa voiture.
20h : dîner à la Bisquine, seul resto ouvert ce soir,
avec Amélie, Amandine et Elodie venues exprès de Quimper. Le prix du homard
nous donne le fou-rire mais on se régale de poisson et on partage des super
desserts en parlant jusqu'à la fermeture de tous ces films qui nous font merveilleusement pleurer.
Karin Serres
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