Réveil à 8 heures, après avoir rêvé de guerres, normal, vu
les images sur lesquelles je me suis couchée. Les petits Belges couinent à
l’étage en-dessous, le jour se lève et l’âne brait déjà. Woaoh, il va peut-être
faire beau ? Morgane disait hier qu’ils promettaient une belle fin de
semaine. Les petits pleurent et tapent dans les portes maintenant, je mange mon œuf-pain
beurré en repensant aux histoires de phares que Gérard Mével m’a racontées
hier.
Isabelle vient me chercher : cap sur les Ateliers de
l’Enfer, où on forme (de façon très renommée) des adultes à la charpenterie
marine, à la voilerie et à la sellerie nautique. D’abord l’atelier charpente
marine, guidés par Alain, l’un des formateurs. Ça sent puissant le bois, tous
les élèves ont des casques anti-son aux oreilles rouges et des outils en main
autour de deux coques très différentes en construction. Apprendre les gestes,
éduquer l’œil et la main. 20 élèves par session, dont deux filles environ, qui
ont du mal à trouver du travail ensuite, le milieu préfère les hommes. Le
travail, c’est rien de fixe, toujours des missions. Encore un parallèle avec le
théâtre. La carotte pour les élèves, c’est la semaine de navigation dans le
bateau qu’ils ont construit toute l’année. Alain est passionné. Derrière
l’atelier, il nous montre les bateaux récupérés qu’ils copient ensuite. Pas
tous navigants, pourtant il faudrait, c’est le seul moyen de comprendre comment
le bois joue, vit et se déforme.
Puis on visite la section sellerie et la section voilerie,
leur grande salle de couture au plancher à hauteur de la table des machines,
pour ne pas froisser les matériaux synthétiques. Profs tout aussi passionnés,
élèves en chaussons, passions de régatiers, et discussion avec Elise qui vit sur
un bateau dans l’Aber Wrach, tanne ses voiles là-bas, les pieds rouges, avec
toute une bande d’amoureux des bateaux, que j’irai peut-être voir quand je
serai à Plouguerneau. Tous ces jeunes gens et jeunes filles qui choisissent un
métier si lié à la mer…
A midi, on déjeune au Bigorneau amoureux, au-dessus des
vagues, au milieu de ma route préférée, avec Lisa, une des collègues d’Isabelle.
Elle vient d’en face, de Plozévet, elle a découvert la beauté de son pays en
arrivant à Douarnenez. On parle mer et voyage, mer et partir, mer et rester.
Et de l’été. Il fait magnifiquement beau, le soleil nous chauffe par
la porte ouverte. Pourquoi tous ces couples qui déjeunent face à face puis
marchent sur la plage, main dans la main ? Ah oui, c’est la Saint
Valentin !
Fin d’après midi : je retrouve Carole sur le Rosmeur, sous
sa casquette de correspondante d’Ouest-France, cette fois, pour lui raconter Far
Ouest, maintenant qu’elle est sortie des Gras.
Tous les cafés sont fermés (ils récupèrent !) alors on va sur le
Port Rhû, au café jaune où on boit super un thé vert pour se réchauffer. Sur la
route, Carole me raconte l’Antigone Z, ce gros cargo rouge qui m’intriguait derrière
la capitainerie. Il doit repartir demain pour le chantier de démolition à Brest
après 8 mois sans solde payée pour les marins panaméens. Son nom a été noirci,
il n’existe plus, le prix de la ferraille paiera juste son remorquage.
On parle des Gras mais aussi de la vie ici, pour les jeunes
et les moins jeunes, du rapport avec les touristes, l’été, des plages d’ici et d’ailleurs. Puis du projet bien sûr, et de la façon dont Far Ouest va se poursuivre,
pour moi ailleurs, par collectage, toujours, pour les Douarnenistes qui ont
envie de s’y associer.
Dernières crêpes sur le port, retour au gîte, écriture. J’avance par bribes, par motifs, instantanés, comme un puzzle dont je n’aurais
pas la photo finale mais dont je sais qu’il va finir par s’assembler.
Puis je rentre à pied sous l’immense ciel étoilé au-dessus
des arbres noirs, guidée par le faisceau serré de ma petite lampe de poche. Immensité
renversée. Calme et vent frais. Toujours pas de crapauds, et la nuit sent la
terre mouillée.
Karin Serres
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