mardi 14 mai 2013

Le Guilvinec, 11° jour


Cette nuit, les chalutiers sont partis à 6 heures en file indienne de loupiotes dans la nuit du gasoil vrombissant. Pourquoi une heure plus tard ? Question de marée ? Maintenant, chaque fois que je me réveillerai vers 5 heures du matin, je penserai au départ des chalutiers dans la nuit noire et à 5 heures, le soir, à la route des chalutiers de retour de l’horizon, surgissant du grand ciel éblouissant, moteur à fond vers l’entrée du port, caisses remplies de poissons vivants.
Ce matin, je travaille sur la mise en voix de mes brouillons de Far Ouest avec la 6°C, d’abord avec leur enseignante de maths puis avec celle de français. Forte de l’expérience avec les 4°C, j’ai choisi l’extrait n°2, avec le chiens aux yeux rouges puis les morts vivants. Nous commençons par de la lecture à voix haute, simple (peu de mains levées), et petit à petit nous jouons de plus en plus, nous incarnons tout (toutes les mains se lèvent) et ils veulent tous et toutes participer. Pour finir, quand chaque passage, chaque instant, chaque créature évoquée est claire, nous travaillons un élargissement vers la choralité : vrai plaisir de théâtre partagé.
Puis je passe revoir les 4°B pour assister avec eux à la découverte du film que Fanny a monté mercredi après toute la séance plage, en compagnie d’Alain Troëlle, le proviseur, det de Simone, la conseillère d’éducation. C’est un grand moment d’émotion pour l’objet artistique lui-même déjà, aussi profond que plein d’humour et d’ouverture, et quand chacun comprend la place que sa petite partie prend dans le grand tout. Y aura-t-il de l’espagnol dans mon texte, demande Simone. Je ne sais pas encore, les ricochets prennent un peu de temps.
Une dernière crêpe jambon-fromage sur MA plage, au soleil… le rêve éveillé, dans le grand clignotement éblouissant de la mer et le vert jade du creux des vagues. Rester là toute une vie. En tout cas, vieillir (et mourir) face à la mer.
Puis valise, soleil à la fenêtre, et le Bélem incongru qui traverse l’horizon de Brest vers Nantes, comme dernière vision. J’attends Yannic dans la cour, en regardant une dernière fois cet horizon si fort. Quand je tourne la tête, je découvre au 3° mon voisin en marinière toute neuve, jumelles à la main.
Dans la camionnette vers Quimper, nous parlons du “Château” de Men Meur dont le gardien était surnommé “le corbeau” par tous les enfants du coin qui escaladaient les hauts murs en défi de bravoure.
Je monte dans le train, trouve ma place, carré enfants, heureusement côté table, face au « martillo rompe-vitro » qui me rappelle le film et la langue espagnole. Est-ce que Gabriel est d’origine espagnole, et Sardine lui demande de lui dire des mots qui font voyager, déjà ?
Je repense à ce séjour. Le vent, le vent sans arrêt. Claquer des galets les uns contre les autres comme des dents de morts-vivants. Quelle est la différence entre une mouette, un goléland et un cormoran ?
Dans le métro, tout à coup, un moment surgit : enfants, ils sont réveillés tous les deux à 5 heures par la chaîne des chalutiers quittant le port, et ils se voient derrière leurs fenêtres respectives. Se font des signes en pleine nuit. Du morse avec des lampes de poche. Les maisons sont en angle, toutes les deux face au port et au large. Ils se retrouvent aussi sur MA plage avec les chiens d’algues géants, les chiens de goémon, qui revoient aussi à marée haute, leurs longs poils ondulant dans l’eau. 

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