Ça y est !
Après des mois de travail, de rencontres et d'échanges avec les habitants de différents territoires finistériens, le texte de Karin Serres a été lu et partagé !
C'était mardi, et à Morgat comme au Guilvinec, l'émotion était palpable à l'écoute de ce merveilleux texte...
A la renverse.
Merci à Karin pour son talent, sa générosité et la sensibilité avec laquelle elle est venue à notre rencontre...
Merci à tous les partenaires de ce projet pour leur enthousiasme et leur investissement...
Merci à tous les habitants du Finistère dont Karin a croisé la route et qui ont accepté de lui livrer un petit bout de leur histoire...
jeudi 23 mai 2013
jeudi 16 mai 2013
Découverte du texte écrit par Karin ! Venez nombreux !
Mardi 21 mai prochain sera l'occasion de découvrir en avant première (mondiale !) le texte écrit par Karin Serres lors de ses étapes de résidence finistériennes.
Il n'y a qu'à choisir son heure et son rivage :
à 14h30 à Morgat
au centre de vacances de la CCAS EDF
16 boulevard de la Plage
à 19h30 au Guilvinec
dans la salle de réunion de la Criée
accès par la terrasse panoramique du port
Nous vous attendons nombreux à ces rendez-vous !
Il n'y a qu'à choisir son heure et son rivage :
à 14h30 à Morgat
au centre de vacances de la CCAS EDF
16 boulevard de la Plage
à 19h30 au Guilvinec
dans la salle de réunion de la Criée
accès par la terrasse panoramique du port
Nous vous attendons nombreux à ces rendez-vous !
mercredi 15 mai 2013
Et c'est parti pour une semaine sur le Phare de l'île Wrac'h !
Karin est de retour en Finistère !
Hier, elle a pris ses quartiers dans le Phare de l'île Wrac'h à Plouguerneau...un lieu de résidence d'artistes géré par l'Association Ile et Phare du Pays des Abers.
Une expérience insolite, un lieu de résidence unique et des conditions d'écriture "face à la mer" optimales !
Hier, elle a pris ses quartiers dans le Phare de l'île Wrac'h à Plouguerneau...un lieu de résidence d'artistes géré par l'Association Ile et Phare du Pays des Abers.
Une expérience insolite, un lieu de résidence unique et des conditions d'écriture "face à la mer" optimales !
En route pour sa maison îlienne...à l'arrière du pick-up de la mairie de Plouguerneau.
Maryvonne au volant et la bouteille de gaz sous le bras !
Maryvonne au volant et la bouteille de gaz sous le bras !
A marée basse, l'île est accessible à pied.
Mais à marée haute...seules les mouettes pourront venir troubler la quiétude de Karin !
Mais à marée haute...seules les mouettes pourront venir troubler la quiétude de Karin !
mardi 14 mai 2013
Le Guilvinec, 11° jour
Cette nuit, les chalutiers sont partis à 6 heures en file
indienne de loupiotes dans la nuit du gasoil vrombissant. Pourquoi une heure
plus tard ? Question de marée ? Maintenant, chaque fois que je me
réveillerai vers 5 heures du matin, je penserai au départ des chalutiers dans
la nuit noire et à 5 heures, le soir, à la route des chalutiers de retour de
l’horizon, surgissant du grand ciel éblouissant, moteur à fond vers l’entrée du
port, caisses remplies de poissons vivants.
Ce matin, je travaille sur la mise en voix de mes brouillons
de Far Ouest avec la 6°C, d’abord avec leur enseignante de maths puis avec
celle de français. Forte de l’expérience avec les 4°C, j’ai choisi l’extrait
n°2, avec le chiens aux yeux rouges puis les morts vivants. Nous commençons par
de la lecture à voix haute, simple (peu de mains levées), et petit à petit nous
jouons de plus en plus, nous incarnons tout (toutes les mains se lèvent) et ils
veulent tous et toutes participer. Pour finir, quand chaque passage, chaque
instant, chaque créature évoquée est claire, nous travaillons un élargissement
vers la choralité : vrai plaisir de théâtre partagé.
Puis je passe revoir les 4°B pour assister avec eux à la
découverte du film que Fanny a monté mercredi après toute la séance plage, en
compagnie d’Alain Troëlle, le proviseur, det de Simone, la conseillère d’éducation.
C’est un grand moment d’émotion pour l’objet artistique lui-même déjà, aussi
profond que plein d’humour et d’ouverture, et quand chacun comprend la place
que sa petite partie prend dans le grand tout. Y aura-t-il de l’espagnol dans
mon texte, demande Simone. Je ne sais pas encore, les ricochets prennent un peu
de temps.
Une dernière crêpe jambon-fromage sur MA plage, au soleil…
le rêve éveillé, dans le grand clignotement éblouissant de la mer et le vert
jade du creux des vagues. Rester là toute une vie. En tout cas, vieillir (et
mourir) face à la mer.
Puis valise, soleil à la fenêtre, et le Bélem incongru qui
traverse l’horizon de Brest vers Nantes, comme dernière vision. J’attends
Yannic dans la cour, en regardant une dernière fois cet horizon si fort. Quand
je tourne la tête, je découvre au 3° mon voisin en marinière toute neuve,
jumelles à la main.
Dans la camionnette vers Quimper, nous parlons du “Château”
de Men Meur dont le gardien était surnommé “le corbeau” par tous les enfants du
coin qui escaladaient les hauts murs en défi de bravoure.
Je monte dans le train, trouve ma place, carré enfants,
heureusement côté table, face au « martillo rompe-vitro » qui me
rappelle le film et la langue espagnole. Est-ce que Gabriel est d’origine
espagnole, et Sardine lui demande de lui dire des mots qui font voyager,
déjà ?
Je repense à ce séjour. Le vent, le vent sans arrêt. Claquer
des galets les uns contre les autres comme des dents de morts-vivants. Quelle
est la différence entre une mouette, un goléland et un cormoran ?
Dans le métro, tout à coup, un moment surgit : enfants,
ils sont réveillés tous les deux à 5 heures par la chaîne des chalutiers
quittant le port, et ils se voient derrière leurs fenêtres respectives. Se font
des signes en pleine nuit. Du morse avec des lampes de poche. Les maisons sont
en angle, toutes les deux face au port et au large. Ils se retrouvent aussi sur
MA plage avec les chiens d’algues géants, les chiens de goémon, qui revoient
aussi à marée haute, leurs longs poils ondulant dans l’eau.
Le Guilvinec, 10° jour
Cette nuit, j’ai été réveillée à 5 heures par un vrombissement
vers le port. Lunettes. La chaîne lumineuse des chalutiers quitte le port dans
l’encre mer/ciel mélangée. Ils partent travailler, passent le rouge et le vert
et foncent vers la pleine mer dans les odeurs de gasoil quand toute la ville
dort encore.
C’est des métiers de solitaires, les marin-pêcheurs. Le
comble : les ligneurs. Seul ou presque avec la mer, loin du bruit de la
société. Solitude choisie et appréciée.
Au collège, je retrouve les 4°C, avec Armelle, professeure
de français, et Flore, de Très Tôt Théâtre. Ils ont mis en scène trois passages
de mes brouillons, avec des propositions différentes chaque fois, et de l’image
liée, toujours, projetée, plus du son, c’est une belle effervescence. Ces
grands qui jouent des petits. Puis nous discutons. Presque la moitié de la
classe ne sait pas ce qu’est le carnaval, ne comprend pas la situation du
premier passage, regarder le défilé tout en étant déguisé. Par contre, les
croustillons, même si on ne connaît pas, ça va. Nous parlons de ce qu’ils ont
lu et mis en scène, de mon écriture, de la temporalité, du vivant du théâtre.
Un grand moment de grâce.
Ensuite, c’est les 5°C, avec Jeannine, professeure d’arts plastiques.
Ils illustrent quelques phrases de Colza (le rêve du vol au-dessus de la plage)
sur un signet. L’un des surfeurs a une minerve autour du cou. L’autre me
raconte qu’il va à l’eau tous les jours. Toutes les filles ou presque ont les
ongles vernis de façon très originale, différentes couleurs, ongles bicolores,
sur-dessinés …etc.
Je déjeune avec Robert au Rabelais. Je le rassure sur le
fait que Far Ouest ne sera pas le nom de la pièce, c’est seulement celui du
projet. En voiture, à l’aller, nous croisons la grand-mère de Sardine, assise
sur un pliant à un carrefour, devant sa porte, les yeux fermés, en train de
prendre le soleil avec bonheur, elle sera là tout l’été, dit Robert.
L’après-midi, grande séance d’écriture avec les 5°C, la
deuxième classe qui va répondre au collège rémois, encadrée par Virginie,
professeure de français et Estelle, professeurs d’histoire géographie, les deux
âmes de l’atelier-théâtre. Comme c’est un cours transversal, nous nous
retrouvons à trois adultes pour soutenir des écritures profondément
personnelles autour de photos en noir et blanc prises sur la plage, et qui
donnent des présentations très fortes de chacune et chacun.
18 heures : rencontre des élèves de première année
Théâtre au Conservatoire de Quimper, autour d’Eric, leur professeur. Intéressante
discussion tous azimuts, autour de l’écriture théâtrale en général et de mon
écriture en particulier, notamment pour ce projet, puis ils et elles travaillent
en direct une scène de Frigomonde, avec beaucoup d’improvisation et d’humour.
Au restaurant, ensuite, avec toutes les filles de TTT ou
presque, nous parlons longuement de la question des âges de cette pièce que je
suis en train d’écrire, et du futur spectacle. Les résidences, les personnes
rencontrées et mon monde intérieur m’ont amenée naturellement à écrie une
histoire plutôt à partir de 10 ans, voire plus jeune, si en famille. Or le
spectacle a été présenté au réseau dès 7, 8 ans en scolaire, ce qui est très
différent. Il faut donc que je décale toute mon histoire vers ce jeune âge,
pour lui ouvrir assez de portes d’entrée tout le long du spectacle. Est-ce que
ça veut dire changer la temporalité, que toute cette histoire soit imaginée au
futur, inventée par deux enfants ? Ou le changement porte-il sur autre
chose ?
Le Guilvinec, 9° jour
Grande matinée d’écriture. Puis je déjeune d’un kebab-frites
au soleil sur la (ma) plage, seule face au large. C’est un moment idéal. Les
paquets d’algues sur la plage, à marée basse, on dirait un immense chien (Puli)
mort, ou qui dort.
Je remonte travailler sur le texte. Je récapitule les 7
dangers de Gabriel. L’avant dernier, est-ce un accident de plongée ou un
accident intergalactique ? Va-t-il jusque dans l’espace ? Et perd-il
la parole après son coup sur la tête, un temps ?
16h40 : pause derrière la fenêtre grande ouverte. Quand
tu fermes les yeux au soleil, après, tout est bleu. Réchauffée, je retourne
écrire.
18h45 : Au port, longtemps après le retour des
chalutiers, dans l’air doux : ce sont des pêcheurs à la ligne maintenant
qui y sont, des bandes de gosses, un vieil homme, un père et sa fille. Sur la
table d’orientation : Bilbao, Cayenne, Terre-Neuve, les trois directions.
Je marche une heure sur les rochers, jusqu’à la pointe et
retour. Toujours le vent, toujours les embruns. Marcher sur les rochers sans
but, sauter. La grève jaune : les rochers sont couverts de lichens jaune
d’or qui colorent l’eau des flaques. Le contourne le château avec ses hauts
murs qui empiètent sur les rochers. Les trois bancs bleus, à la pointe de Men Meur.
Les bateaux, c’est pas des bateaux, c’est des gens. Je comprends pourquoi tout
le monde a des jumelles en bord de mer : qui est sur le pont ?
Je dîne au Poisson d’Avril. Trop beau, la petite lanterne
allumée dehors sur fond de ciel qui se couche. Tout à l’heure, un chalutier
mauve est rentré au port, vers 20h. Là, c’est un petit ligneur blanc. Il refait
beau, ciel étiré, lumière d’une grande douceur et marée haute qui bat les
rochers. Mmh, pain mainson et beurre salé, rien de meilleur. (Gabriel, à la fin :
“Tant que j’ai ça et une poignée de langoustines (ou de boucs), de temps en
temps…”) Un tatouage sur la cheville de la serveuse. Est-ce que Sardine est
tatouée ?
Même moi qui ne suis pas d’ici, je déteste que ce restaurant
soit plein aujourd’hui, et quil y ait des gens sur la plage, avec des enfants,
avec des chiens, avec un cahier de mots croisés, à cause des vacances. Je
voudrais être seule pour en profiter. La vraie question, c’est pas :
comment vous faites l’hiver sans nous ? mais : comment vous faites
pour supporter l’invasion, l’été ?
De ma fenêtre, je regarde un jeune homme qui promène son
chien sur la plage en téléphonant dans la presque nuit. Il lui jette un bâton,
parle le temps que le chien court le chercher, s’interrompt pour arracher le bâton
de la gueule du chien fou de joie, le re-lance, reprend la discussion…etc. De
temps en temps, pris par ce qu’il dit, le jeune homme vise mal et le bâton
tombe dans l’eau où le chien court le chercher et le rapporte couvert de goémon
au garçon qui doit interrompre sa conversation pour le nettoyer avant de le
re-lancer. Est-ce que Sardine appelle Gabriel comme ça, certains soirs ?
Le Guilvinec, 8° jour
Au collège à vélo. Ce matin, c’est plage, avec la 4°B
et la 6°A d’hier, et Amandine de Très Tôt Théâtre. On commence par le
tournage-séance photo et enregistrement de “El mar y los cinco sentidos” avec Fanny,
professeure d’espagnol. Autour des fiches récap plastifiées, grande autonomie
des groupes qui ont apporté tout le matériel (accessoires, costumes)
nécessaire. Je ris beaucoup avec « el gusto » et sa parodie de Top
Chef sur les rochers, autour de Yaël en toque et tablier qui cuisine en plein
vent un mélange d’écume, de sable, d’algues et d’os de seiche dans un saladier
rose sous l’œil critique de son jury frigorifié. Magnifique
« poulpe » aussi, algue géante à tentacules guantes. Les jeunes créent
des scènes, construisent un château évolutif, font de la musique avec des
galets, regardent l’horizon… et trouvent un magnifique drapeau autour duquel
ils posent comme des explorateurs, grand plaisir partagé.
Puis c’est la 6°A, sous la pluie, cette fois. Ramassage
de tout ce qu’ils veulent mettre au fond des bouteilles à envoyer, je vois
enfin ce qu’est un “petit cochon”. Au retour, Claude m’offre une grande branche
de bois flotté qui ressemble à une tête de dinosaure au long cou.
L’après-midi, travail sur mon texte. Depuis le début, je me
pose des questions de structure, de temporalité. Bon, je décide que je vais
faire simple : chronologique. Et on verra une fois fini s’il y a besoin ou
si c’est mieux de remonter la chronologie à l’envers — ou pas. Disons là qu’ils
sont adultes et qu’ils se racontent — faire monter la tension de leur
séparation. Toutes ces femmes au grand cœur que je rencontre. Il faut leur
raconter une héroïne à la hauteur.
17h20 : J’ai encore les joues qui me brûlent de la
pluie et du vent de mer, 5 heures après être rentrée. C’est l’heure des
chalutiers. Rentrer du travail, pour tous ces hommes, c’est rentrer d’en mer
avec tous ses dangers et tout le monde vient assister à votre retour, même des
inconnus sur le toit de la Criée, votre retour — un spectacle. Le vrombissement
des chalutiers pendant près d’une heure chaque fin de journée, les vitres
tremblent.
Le Guilvinec, 7° jour
Ce matin, la mer est déchaînée, avec des vagues énormes à
l’horizon. De la cour, on la regarde un moment avec Amandine avant de partir
pour le collège où elle m’accompagne pour ma « rentrée ». Les petits
ligneurs partent bravement à l’assaut, secoués comme des balles de ping-pong,
et je pense au marin-pêcheur seul dans sa petite cabine, secoué, secoué…
Première classe au collège : les 6°D, avec Virginie,
professeure de français. On remonte les volets des fenêtres qui donnent sur le
toit couvert de mouettes, mais il vaut mieux les laisser baissés si on veut
garder l’attention des élèves : c’est la période de reproduction. On se
plonge dans l’expo de photos de Pascal Pérennec. Les élèves chosissent la leur,
prennent des notes, puis on remonte écrire, en faisant exister les deux côtés
de la photo, en ouvrant la porte au « je » qui parle et aux mondes
intérieurs, jusqu’au langage des écureuils volants ou à Frankenstein.
11h : seule dans la salle des profs, je lis les lettres
des collégiens rémois qui sont entrés dans la correspondance. Ils parlent
beaucoup de neige, cette neige qui manque parfois aux jeunes d’ici. Et ont une
vision estivale de la mer, forcément. Pour eux, globalement, les gens qui
habitent au bord de la mer doivent être si heureux de la voir tous les jours.
Puis je vais voir les préparatifs des 6°A qui travaillent
avec Claude, professeure d‘anglais, pour répondre aux rémois. Par ateliers,
tout en anglais, ils travaillent avec une grand inventivité. Quelle façon
intelligente d’apprendre une langue.
Retour au gite, sur mon grand vélo bleu prêté par le
collège, pour une après-midi d’écriture.
16 h : j’observe le monde derrière ma fenêtre, au son
des mouettes : les passants sur le banc bleu, les ados en short à fleurs
avec les mollets tout blancs, les familles à bottes en plastique neuves, en
route vers la Criée. Deux chalutiers - déjà ? et des garçons du coin, en
vélo, canne à pêche à la main, l’air libre et sauvage à la fois (comme
Sardine). La mer remonte vite. Les ligneurs rentrent à fond les gamelles, ils
surfent sur les vagues, ils rebondissent.
Quelques courses à la boulangerie puis au 8 à 8 quasi vide
(il va bientôt fermer) et retour face au vent. Compter le temps en marées = en
cycles de 6 heures, pas en journées. Est-ce que le temps passe plus vite ou se
répète ?
Je retrouve la nuit clignotante bercée par le roulement des
vagues dehors. Un chalutier part encore en grondant dans la nuit noire. Un
hauturier.
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