mardi 26 février 2013

Le Guilvinec, arrivée nocturne


Après un dîner agréable, à Quimper, avec Flore et Dominique, dans le seul restaurant ouvert, nous faisons la route de nuit en discutant : renard écrasé, bateaux endormis.
23h : je finis de m’installer dans la chambre « de la Vieille », à Cap Ouest. Rien à voir avec mon âge, paraît-il, c’est juste le nom d’un phare (dans le raz de Sein) comme toutes les autres chambres. Demain, ils me trouveront une petite table, la seule chose qui me manque pour travailler.

Karin Serres

vendredi 22 février 2013

"Et toi face à la mer tu penses à quoi?"

Merci à Anne-Marie d'avoir partagé avec nous ces belles photos!!
Espérons que ça donne l'idée à d'autres de poster leurs images sur le blog du Far Ouest...



jeudi 21 février 2013

Karin est au Guilvinec depuis lundi.
Quelque chose me dit que le ballet des chalutiers et langoustiniers qui rentrent au port chaque soir à 17h pétantes la fascine un peu...
En tout cas cela fait plusieurs jours qu'elle s'y rend, le bonnet vissé sur la tête, pour observer la ronde des pêcheurs du Guilvinec...

Elodie
Très Tôt Théâtre


mardi 19 février 2013

Douarnenez, huitième jour


Réveil dans le jour un peu plus levé qu’hier, car il fait grand beau. 
Je fais ma valise, je mange mes derniers œufs, je fais le ménage et je descends sur le Rosmeur voir l’Antigone Z de plus près. 
Grande carcasse rouge rouillée, avec un autre nom : “Ice lady”, en relief. 

A la terrasse du tabac, je raconte à nouveau Far Ouest à Claude Legouill, correspondant du Télégramme, qui tripe sur les mêmes points que Carole, hier : que ça revienne se jouer là où ça se sera écrit, dans quelques mois, et que les gens puissent participer à leur façon par collectage à cette grande question : à quoi tu penses, face à la mer ? partir ou rester ? fin du monde ou début de toutes les possibilités ? et qu’est-ce qu’il y a dessous ? et penses-tu ou ressens-tu ?…etc.

Faire mes valises, plier draps, torchons et serviettes, tout nettoyer, ne rien oublier, boucler ma valise et partir pour revenir m’installer ailleurs, tout près, dans à peine deux jours, pour continuer d’écrire ce qui est né en écho à ce que j’ai vécu à Douarnenez, en sachant qu'avant la fin de l'année, ce que je suis en train d'écrire deviendra vivant, sur scène, grâce au travail du Théâtre du Rivage qui prendra le relais, le tout coordonné par Très Tôt Théâtre, et que ce spectacle reviendra se jouer partout où il se sera nourri et travaillé. Quel super projet !
Karin Serres

Douarnenez, septième jour


Réveil à 8 heures, après avoir rêvé de guerres, normal, vu les images sur lesquelles je me suis couchée. Les petits Belges couinent à l’étage en-dessous, le jour se lève et l’âne brait déjà. Woaoh, il va peut-être faire beau ? Morgane disait hier qu’ils promettaient une belle fin de semaine. Les petits pleurent et tapent dans les portes maintenant, je mange mon œuf-pain beurré en repensant aux histoires de phares que Gérard Mével m’a racontées hier.

Isabelle vient me chercher : cap sur les Ateliers de l’Enfer, où on forme (de façon très renommée) des adultes à la charpenterie marine, à la voilerie et à la sellerie nautique. D’abord l’atelier charpente marine, guidés par Alain, l’un des formateurs. Ça sent puissant le bois, tous les élèves ont des casques anti-son aux oreilles rouges et des outils en main autour de deux coques très différentes en construction. Apprendre les gestes, éduquer l’œil et la main. 20 élèves par session, dont deux filles environ, qui ont du mal à trouver du travail ensuite, le milieu préfère les hommes. Le travail, c’est rien de fixe, toujours des missions. Encore un parallèle avec le théâtre. La carotte pour les élèves, c’est la semaine de navigation dans le bateau qu’ils ont construit toute l’année. Alain est passionné. Derrière l’atelier, il nous montre les bateaux récupérés qu’ils copient ensuite. Pas tous navigants, pourtant il faudrait, c’est le seul moyen de comprendre comment le bois joue, vit et se déforme. 

Puis on visite la section sellerie et la section voilerie, leur grande salle de couture au plancher à hauteur de la table des machines, pour ne pas froisser les matériaux synthétiques. Profs tout aussi passionnés, élèves en chaussons, passions de régatiers, et discussion avec Elise qui vit sur un bateau dans l’Aber Wrach, tanne ses voiles là-bas, les pieds rouges, avec toute une bande d’amoureux des bateaux, que j’irai peut-être voir quand je serai à Plouguerneau. Tous ces jeunes gens et jeunes filles qui choisissent un métier si lié à la mer…

A midi, on déjeune au Bigorneau amoureux, au-dessus des vagues, au milieu de ma route préférée, avec Lisa, une des collègues d’Isabelle. Elle vient d’en face, de Plozévet, elle a découvert la beauté de son pays en arrivant à Douarnenez. On parle mer et voyage, mer et partir, mer et rester. Et de l’été. Il fait magnifiquement beau, le soleil nous chauffe par la porte ouverte. Pourquoi tous ces couples qui déjeunent face à face puis marchent sur la plage, main dans la main ? Ah oui, c’est la Saint Valentin !

Fin d’après midi : je retrouve Carole sur le Rosmeur, sous sa casquette de correspondante d’Ouest-France, cette fois, pour lui raconter Far Ouest, maintenant qu’elle est sortie des Gras.  Tous les cafés sont fermés (ils récupèrent !) alors on va sur le Port Rhû, au café jaune où on boit super un thé vert pour se réchauffer. Sur la route, Carole me raconte l’Antigone Z, ce gros cargo rouge qui m’intriguait derrière la capitainerie. Il doit repartir demain pour le chantier de démolition à Brest après 8 mois sans solde payée pour les marins panaméens. Son nom a été noirci, il n’existe plus, le prix de la ferraille paiera juste son remorquage.
On parle des Gras mais aussi de la vie ici, pour les jeunes et les moins jeunes, du rapport avec les touristes, l’été, des plages d’ici et d’ailleurs. Puis du projet bien sûr, et de la façon dont Far Ouest va se poursuivre, pour moi ailleurs, par collectage, toujours, pour les Douarnenistes qui ont envie de s’y associer.

Dernières crêpes sur le port, retour au gîte, écriture. J’avance par bribes, par motifs, instantanés, comme un puzzle dont je n’aurais pas la photo finale mais dont je sais qu’il va finir par s’assembler.
Puis je rentre à pied sous l’immense ciel étoilé au-dessus des arbres noirs, guidée par le faisceau serré de ma petite lampe de poche. Immensité renversée. Calme et vent frais. Toujours pas de crapauds, et la nuit sent la terre mouillée.
Karin Serres

Douarnenez, sixième jour


Réveil dans le matin bleu. Le temps que je fasse cuire mes œufs, les coqs chantent et le jour se lève. Les nuits sont courtes, quand même. Mais je ressens déjà l’éphémère des Gras (de la vie ?), ce soir on brûle le Den Paolig et c’est déjà fini de se costumer (seul son groupe le fera). 
On dit Douarneniste et Capiste, je ne savais pas. 
Je mange mon pain grillé, puis Isabelle m’emmène à mi-chemin de chez lui retrouver Gérard Mével, adjoint à la culture d’Esquibien, qui va me faire visiter le Cap Sizun toute la journée.

Dès les premiers kilomètres sous la pluie, au chaud dans sa Merco, on parle théâtre : il dirige une troupe qui travaille au Théâtre Georges Madec et monte plein de spectacles chaque année. L’an dernier, ils ont joué “Le terrain synthétique”, avec des ados, et cette année, “Ramassage Polaire” de Françoise Pillet, mon amie ! Les coïncidences sont drôles.
Gérard Mével a une vie passionnante, voyageuse et à travers de nombreux métiers. Après avoir rencontré des pêcheurs de bar, sur le port d’Audierne, regardé l’épave du Petit Corse, rencontré le groupe théâtre enfants et ses animatrices et visité son super théâtre bleu, il m’emmène chez lui, face à la mer (quelle vue !!!), boire un café, puis on repart découvrir la pointe du Van et le minuscule port du Vorlenn. Il fait un temps de chie, on s'incline à 90° en sortant de la voiture, mes lunettes sont trempées, mais quelle beauté !

On déjeune au Bar Breton où Françoise nous raconte sa triple vie d’infirmière à terre, de patronne de restaurant et de personnel soignant embarquée sur le bateau de la SNSM. Puis retour chez Gérard où arrive son ami Marc, marin et plongeur, lui aussi, inventeur d’épaves, photographe, vidéaste sous-marin, et l’après-midi passe sans qu’on s’en rende compte tellement ils ont d’histoires à partager. On parle des danders de la plongée et de la navigation, mais aussi du plaisir de voyager. De l’apnée, de la chance de vivre là où on est né, de ce qu’on passe sans le voir et de l’importance de la transmission des paysages qu’on habite mais où on ne fait que passer. Gérard me prête des extraits d’un livre de JP Abraham qui a vécu dans le phare d’Ar-Men et me raccompagne à Douarnenez. 

Bref passage au gîte, normalement, mais une famille belge débarque, trempée : mère polonaise, père anglais, deux petits garçons blonds épuisés, ils cherchent à joindre Anaïg pour se loger cette nuit mais ils n’ont pas son portable, alors je l’appelle, je les héberge en attendant qu’elle arrive et leur offre du thé. Soulagés d’être au chaud et au sec, les deux petits blonds se roulent par terre, lèchent le lino, mettent de la monnaie dans leur bouche et imitent les chats. Quand Anaïg les emmène s’installer en dessous, je me dépêche de sortir, la nuit tombe presque.

Et je promène mon chien invisible sur ma route côtière maintenant préférée, dans l’air de plus en plus bleu et brumeux. Lhumidité floute mes lunettes, mais quel plaisir, cette route avec ses trois paysages si différents, et quel silence, l’allumage tranquille des réverbères qui rythment les courbes au-dessus de la mer.

Avec Isabelle, on retrouve les filles de TTT venues nous rejoindre pour l’incinération (quel nom !) du Den Paolig, sur le Rosmeur. En attendant, on boit un coup au Lamparo avec Morgane qui me raconte ce que c’est d’être Capiste, l’attachement à ce pays « comme un aimant », ce pays à la vie si particulière, si proche de la nature, des saisons, des éléments. Mon résumé de mes impressions lui plaît : il y a rien et c’est si beau. Puis on va manger des galettes à la crêperie du coin, mon QG, en regardant passer le cortège, bien au chaud.

Dès que les premières flammes s’élèvent, nourries d’essence, on sort dans la foule aux lampions, au-dessus du groupe des veuves et maîtresses joyeuses. Au début, c’est beau et festif. Et puis la fanfare se tait, la silhouette qui brûle devient étrangement humaine, les boulettes de papier remplissant la structure rougeoient comme des braises et toute la foule s’immobilise en silence, touchée. Je pense au Vieux Fusil, à Pompéi. Puis à un GI qui sort de la jungle après un bombardement au napalm. Puis, une fois la silhouette arrosée au tuyau, à un soldat de la premier guerre mondiale, mort debout, dans la boue des tranchées, et à l’armée de terre cuite déterrée en Chine.
Quand le tracteur repart, tirant la structure de fil de fer qui re-servira, l’année prochaine, juste habillée différemment par Rémi et son acolyte dans le plus grand mystère de leur hangar secret, je réalise que ce Den Paolig est un phénix qui renaît de ses cendres chaque année.
 Karin Serres



 

Douarnenez, cinquième jour


Quand je me réveille, la brume nappe toute la côte, on se croirait en Chine aux collines bleu fumée. 
Je vais déposer la clé du bas à Anaïg et on parle de ses Gras, du temps passé sur les machines à coudre et du plaisir partagé, de la justesse de février pour cette « bulle » hors de la vie quotidienne, justement, à la fin de l’hiver, qui sûrement aide à le supporter et à le traverser.

Je reprends l’écriture. Le soleil me chauffe le dos. Est-ce qu’ils font du rock, mes deux personnages ? Dans un groupe, ensemble, ou pas ? Ils partagent le plaisir de se costumer, en tout cas. La première ville d’une résidence itinérante donne la couleur de toute la pièce, je suis contente que ce soit Douarnenez. Février aussi, c’est un beau mot.

Fin d’après-midi : je sors visiter le Port-Musée, impressionnée par la variété des bateaux, la vie des sardinières et la vidéo des SNSM, puis je rejoins la MJC où je retrouve Isabelle et ses collègues. 
Dîner improvisé et chaleureux chez Eric, le directeur de la MJC, croisé dimanche dans le défilé. On parle de nos endroits préférés à Douarn. 
Puis on se change à côté de la voiture pour le bal costumé, à la salle des fêtes. Isabelle a un nouveau costume de Vénitienne, moi juste changé de couleur de pull de cow-boy : normalement il faut changer de costume chaque jour, nous a dit Carole, mais la première année, c’est autorisé d’y déroger. 
Détails techniques, 2 : attention au sombrero, peu pratique pour draguer. Idem pour la boîte de sardines, si on veut danser… 
On retrouve Maryvonne et Jean-Roger déguisés en créoles, qui attendent en vain de quoi danser valse ou cha-cha. 
Vers minuit, concours de costumes à l’applaudimètre. Le pape essoufflé fait un tabac. La musique nous plaît moyen, on en a plein les pattes, on va se coucher.
Karin Serres