Grande matinée d’écriture. Puis je déjeune d’un kebab-frites
au soleil sur la (ma) plage, seule face au large. C’est un moment idéal. Les
paquets d’algues sur la plage, à marée basse, on dirait un immense chien (Puli)
mort, ou qui dort.
Je remonte travailler sur le texte. Je récapitule les 7
dangers de Gabriel. L’avant dernier, est-ce un accident de plongée ou un
accident intergalactique ? Va-t-il jusque dans l’espace ? Et perd-il
la parole après son coup sur la tête, un temps ?
16h40 : pause derrière la fenêtre grande ouverte. Quand
tu fermes les yeux au soleil, après, tout est bleu. Réchauffée, je retourne
écrire.
18h45 : Au port, longtemps après le retour des
chalutiers, dans l’air doux : ce sont des pêcheurs à la ligne maintenant
qui y sont, des bandes de gosses, un vieil homme, un père et sa fille. Sur la
table d’orientation : Bilbao, Cayenne, Terre-Neuve, les trois directions.
Je marche une heure sur les rochers, jusqu’à la pointe et
retour. Toujours le vent, toujours les embruns. Marcher sur les rochers sans
but, sauter. La grève jaune : les rochers sont couverts de lichens jaune
d’or qui colorent l’eau des flaques. Le contourne le château avec ses hauts
murs qui empiètent sur les rochers. Les trois bancs bleus, à la pointe de Men Meur.
Les bateaux, c’est pas des bateaux, c’est des gens. Je comprends pourquoi tout
le monde a des jumelles en bord de mer : qui est sur le pont ?
Je dîne au Poisson d’Avril. Trop beau, la petite lanterne
allumée dehors sur fond de ciel qui se couche. Tout à l’heure, un chalutier
mauve est rentré au port, vers 20h. Là, c’est un petit ligneur blanc. Il refait
beau, ciel étiré, lumière d’une grande douceur et marée haute qui bat les
rochers. Mmh, pain mainson et beurre salé, rien de meilleur. (Gabriel, à la fin :
“Tant que j’ai ça et une poignée de langoustines (ou de boucs), de temps en
temps…”) Un tatouage sur la cheville de la serveuse. Est-ce que Sardine est
tatouée ?
Même moi qui ne suis pas d’ici, je déteste que ce restaurant
soit plein aujourd’hui, et quil y ait des gens sur la plage, avec des enfants,
avec des chiens, avec un cahier de mots croisés, à cause des vacances. Je
voudrais être seule pour en profiter. La vraie question, c’est pas :
comment vous faites l’hiver sans nous ? mais : comment vous faites
pour supporter l’invasion, l’été ?
De ma fenêtre, je regarde un jeune homme qui promène son
chien sur la plage en téléphonant dans la presque nuit. Il lui jette un bâton,
parle le temps que le chien court le chercher, s’interrompt pour arracher le bâton
de la gueule du chien fou de joie, le re-lance, reprend la discussion…etc. De
temps en temps, pris par ce qu’il dit, le jeune homme vise mal et le bâton
tombe dans l’eau où le chien court le chercher et le rapporte couvert de goémon
au garçon qui doit interrompre sa conversation pour le nettoyer avant de le
re-lancer. Est-ce que Sardine appelle Gabriel comme ça, certains soirs ?